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DEUXIÈME PARTIE.


DE LA MÉTHODE




CHAPITRE PREMIER.


Des règles qu’il faut observer dans la recherche de la vérité.


Après avoir expliqué les moyens dont il faut se servir pour rendre l’esprit plus attentif et plus étendu, qui sont les seuls qui peuvent le rendre plus parfait, c’est-à-dire plus éclairé et plus pénétrant, il est temps de venir aux règles qu’il est absolument nécessaire d’observer dans la résolution de toutes les questions. C’est à quoi je m’arrêterai beaucoup, et que je tâcherai de bien expliquer par plusieurs exemples, afin d’en faire mieux connaître la nécessité, et d’accoutumer l’esprit à les mettre en usage, parce que le plus nécessaire et le plus difficile n’est pas de les bien savoir, mais de les bien pratiquer.

Il ne faut pas s’attendre ici d’avoir quelque chose de fort extraordinaire, qui surprenne et qui applique beaucoup l’esprit ; au contraire, afin que ces règles soient bonnes, il faut qu’elles soient simples et naturelles, en petit nombre, très-intelligibles et dépendantes les unes des autres ; en un mot elles ne doivent que conduire notre esprit et régler notre attention sans la partager, car l’expérience fait assez connaître que la logique d’Aristote n’est pas de grand usage, à cause qu’elle occupe trop l’esprit, et qu’elle le détourne de l’attention qu’il devrait apporter aux sujets qu’il examine. Que ceux donc qui n’aiment que les mystères et les inventions extraordinaires quittent pour quelque temps cette humeur bizarre, et qu’ils apportent toute l’attention dont ils sont capables, afin d’examiner si les règles que l’on va donner suffisent pour conserver toujours l’évidence dans les perceptions de l’esprit et pour découvrir les vérités les plus cachées. S’ils ne se préoccupent point injustement contre la simplicité et la facilité de ces règles, j’espère qu’ils reconnaîtront par l’usage que nous montrerons dans la suite qu’on en peut faire, que les principes les plus clairs et les plus simples sont les plus féconds, et que les choses extraordinaires