Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/514

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la cinquième règle est : qu’on doit en abréger les idées et les ranger ensuite dans son imagination, ou les écrire sur le papier, afin qu’elles ne remplissent plus la capacité de l’esprit. Quoique cette règle soit toujours utile, elle n’est absolument nécessaire que dans les questions très-difficiles et qui demandent une grande étendue d’esprit, à cause qu’on n’étend l’esprit qu’en abrégeant ses idées. L’usage de cette règle et de celles qui suivent ne se reconnaît bien que dans l’algèbre.

Les idées de toutes les choses qu’il est absolument nécessaire de considérer étant claires, familières, abrégées et rangées par ordre dans l’imagination ou exprimées sur le papier, la sixième règle est : qu’il faut les comparer toutes selon les règles des combinaisons, alternativement les unes avec les autres, ou par la seule vue de l’esprit, ou par le mouvement de l’imagination accompagné de la vue de l’esprit, ou par le calcul de la plume joint d l’attention de l’esprit et de l’imagination.

Si, de tous les rapports qui résultent de toutes ces comparaisons, il n’y en a aucun qui soit celui que l’on cherche, il faut de nouveau retrancher de tous ces rapports ceux qui sont inutiles à la résolution de la question ; se rendre les autres familiers, les abréger et les ranger par ordre dans son imagination, ou les exprimer sur le papier ; les comparer ensemble selon les règles des combinaisons, et voir si le rapport compose que l’on cherche est quelqu’un de tous les rapports composés qui résultent de ces nouvelles comparaisons.

S’íl n’y a pas un de ces rapports que l’on a découverts qui renferme la résolution de la question, il faut de tous ces rapports retrancher les inutiles, se rendre les autres familiers, etc…… Et en continuant de cette manière, on découvrira la vérité ou le rapport que l’on cherche, si composé qu’il soit, pourvu qu’on puisse étendre suffisamment la capacite de l’esprit en abrégeant ses idées, et que dans toutes ces opérations l’on ait toujours en vue le terme où l’on doit tendre. Car c’est la vue continuelle de la question qui doit régler toutes les démarches de l’esprít, puisqu’il faut toujours savoir où l’on va.

Il faut surtout prendre garde à ne pas se contenter de quelque lueur ou de quelque vraisemblance, et recommencer si souvent les comparaisons qui servent à découvrir la vérité que l’on cherche, qu’on ne puisse s’empêcher de la croire, sans sentir les reproches secrets du maître qui répond à notre demande, je veux dire à notre travail, à l’application de notre esprit et aux désirs de notre cœur. Et alors cette vérité pourra nous servir de principe infaillible pour avancer dans les sciences.