Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/542

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elle ne peut leur communiquer les mouvements particuliers à chaque partie qui tend vers différents côtés, en s’éloignant néanmoins du centre du tourbillon. Car on doit prendre garde que les parties de la matière subtile, faisant effort vers différents côtés, ne peuvent que comprimer le corps grossier qu’elles transportent ; car ce corps ne peut pas en même temps aller vers différents côtés. Mais parce que la matière subtile, qui est vers le centre du tourbillon, a beaucoup plus de mouvement qu’elle n’en emploie à circuler ; qu’elle ne communique aux corps grosiers qu’elle entraîne, que son mouvement circulaire et commun à toutes ces parties, et que si les corps grossiers avaient d’ailleurs plus de mouvement que celui qui est commun au tourbillon, ils le perdraient bientôt en le communiquant aux petits corps qu’ils rencontrent ; de là il est évident que les corps grossiers, vers le centre du tourbillon, n’ont point tant de mouvement que la matière dans laquelle ils nagent, dont chaque partie se meut en plusieurs façons différentes outre leur mouvement circulaire ou commun. Or, si les corps grossiers ont moins de mouvement, ils font certainement moins d’effort pour aller en ligne droite et pour s’éloigner du centre ; et s’ils font moins d’effort, ils sont obligés de céder à ceux qui en font davantage et, par conséquent, de se rapprocher vers le centre du tourbillon, c’est-à-dire qu’ils sont d’autant plus pesants qu’ils sont plus solides.

Mais, lorsque les corps grossiers sont fort éloignés du centre du tourbillon, comme le mouvement circulaire de la matière subtile est alors fort grand, à cause qu’elle emploie presque tout son mouvement à tourner autour du centre du tourbillon ; les corps ont d’autant plus de mouvement qu’ils sont plus solides, puisqu’ils vont de la même vitesse que la matière subtile dans laquelle ils nagent ; ainsi ils ont plus de force pour continuer leur mouvement en ligne droite. De sorte que les corps grossiers, dans une certaine distance du centre du tourbillon, sont d’autant plus légers qu’ils sont plus solides.

Cela fait donc voir que la terre est métallique vers le centre, qu’elle n’est pas fort solide vers sa circonférence, que l’eau et l’air doivent demeurer dans la situation où nous les voyons ; mais que tous ces corps sont pesants, l’air aussi bien que l’or et le vif-argent, parce qu’ils sont plus solides et plus grossiers que le premier et le second élément. Cela fait voir que la lune étant un peu trop éloignée du centre du tourbillon de la terre, n’est point pesante quoiqu’elle soit solide ; que Mercure, Vénus, la Terre, Mars, Jupiter et Saturne ne peuvent tomber dans le soleil, qu’ils ne sont point assez solides pour sortir de leur tourbillon comme les co-