Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/616

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corps, et les comprime ainsi de telle sorte, que pour les séparer il faut avoir plus de force que n’en à cette matière invisible, laquelle est extrêmement agitée.

Il semble que je puis conclure que l’union des parties, dont les corps durs sont composés, dépend de la matière subtile qui les environne et qui les comprime, puisque les deux autres choses que l’on peut penser être les causes de cette union, ne le sont véritablement point comme nous venons de voir. Car, puisque je trouve de la résistance à rompre un morceau de fer, et que cette résistance ne vient point du fer ni de la volonté de Dieu, comme je crois l’avoir prouvé, il faut nécessairement qu’elle vienne de quelque matière invisible, qui ne peut être autre que celle qui l’environne immédiatement et qui le comprime. J’explique et je prouve ce sentiment[1].

Lorsqu’on prend une boule de quelque métal, creuse au dedans et coupée en deux hémisphères, que l’on joint ces deux hémisphères en collant une petite bande de cire à l’endroit de leur union, et que l’on en tire l’air ; l’expérience apprend que ces deux hémisphères se joignent l’une à l’autre de telle sorte que plusieurs chevaux, que l’on y attelle par le moyen de quelques boucles, les uns d’un côté les autres de l’autre, ne peuvent les séparer, supposé que les hémisphères soient grandes à proportion du nombre des chevaux. Cependant, si l’on y laisse rentrer l’air. une seule personne les sépare sans aucune difficulté. Il est facile de conclure de cette expérience que ce qui unissait si fortement ces deux hémisphères l’une avec l’autre, venait de ce qu’étant comprimées à leur surface extérieure et convexe par l’air qui les environnait, elles ne l’étaient point en même temps dans leur surface concave et intérieure. De sorte que l’action des chevaux qui tiraient les deux hémisphères de deux côtés, ne pouvait pas vaincre l’effort d’une infinité de petites parties d’air qui leur résistaient en pressant ces deux hémisphères. Mais la moindre force est capable de les séparer, lorsque l’air étant rentré dans la sphère de cuivre, pousse les surfaces concaves et intérieures, autant que l’air de dehors presse les surfaces extérieures et convexes.

Que si au contraire on prend une vessie de carpe et qu’on la mette dans un vase dont on tire l’air, cette vessie étant pleine d’air crève et se rompt, parœ qu’alors il n’y a point d’air au dehors de la vessie qui résiste à celui qui est dedans, C’est encore pour cela que deux plans de verre ou de marbre ayant été usés les uns sur les autres, se joignent, en sorte qu’on sent de la résistance

  1. Voyez les Expériences de Magdebourg, d’Otton. de Guericke, liv. 3.