Page:Malebranche - Entretien d’un philosophe chrétien et d’un philosophe chinois, II, 1708.djvu/17

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encore longtemps après que la main leur fait mal. Certainement la main qui les touche alors, et qui les affecte d’un sentiment de douleur, n’est pas celle qu’on leur a coupée. Ce ne peut donc être que l’idée de la main, en conséquence des ébranlements du cerveau, semblables à ceux que l’on a, quand on nous blesse la main. C’est qu’en effet la matière dont notre corps est composé, ne peut agir sur notre esprit, il n’y a que celui qui lui est supérieur, et qui l’a créé, qui le puisse par l’idée du corps, c’est-à-dire par son essence même, en tant qu’elle est représentative de l’étendue ; ce que je vous expliquerai dans son temps.

Il est encore certain qu’une même idée peut toucher notre âme de perceptions toutes différentes. Car si votre main était dans de l’eau trop chaude, et qu’en même temps vous y eussiez la goutte, et de plus que vous la regardassiez, l’idée de la même main vous toucherait de trois sentiments différents, douleur, chaleur, couleur. Ainsi il ne faut pas juger que l’idée que l’on a, quand on pense à l’étendue les yeux fermés, soit différente de celle qu’on