Page:Malebranche - Entretien d’un philosophe chrétien et d’un philosophe chinois, II, 1708.djvu/26

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Mais il faut bien que cela soit ainsi, et que nos perceptions ne soient que des modifications de la matière. Car par exemple, dès qu’une épine nous pique le doigt, nous sentons de la douleur, et nous la sentons dans le doigt piqué ; marque certaine que la douleur n’est que la piqûre, et que la douleur n’est que dans le doigt.

LE CHRÉTIEN : Je n’en conviens pas. Comme l’épine est pointue, je conviens qu’elle fait un trou dans le doigt ; car je le conçois clairement, puisqu’une étendue est impénétrable à toute autre étendue. Il y a contradiction que deux ne soient qu’un : ainsi il n’est pas possible que deux pieds cubes d’étendue n’en fassent qu’un. L’épine qui pique le doigt y fait donc nécessairement un trou. Mais que le trou du doigt soit la même chose que la douleur que l’on souffre, et que cette douleur soit dans le doigt piqué, ou une modification du doigt, je n’en conviens pas. Car on doit juger que deux choses sont différentes, quand on en a des idées différentes, quand on peut penser à l’une sans penser à