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STANCES.


« S’il m’avient quelquefois de clorre les paupieres,
Aussi-tost ma douleur en nouvelles matieres
Fait de nouveaux efforts ;
Et, de quelque souci qu’en veillant je me ronge,
Il ne me trouble point comme le meilleur songe
Que je fais quand je dors.

« Tantost cette beauté, dont ma flamme est le crime,
M’apparoist à l’autel, où comme une victime
On la veut égorger ;
Tantost je me la voy d’un pirate ravie,
Et tantost la fortune abandonne sa vie
À quelque autre danger.

« En ces extrémitez, la pauvrette s’écrie :
« Alcandre, mon Alcandre, oste-moi, je te prie,
« Du malheur où je suis ! »
La fureur me saisit, je mets la main aux armes ;
Mais son destin m’arreste, et luy donner des larmes,
C’est tout ce que je puis.

« Voila comme je vy ; voila ce que j’endure,
Pour une affection que je veux qui me dure
Au delà du trépas.
Tout ce qui me la blasme offense mon oreille,
Et qui veut m’affliger, il faut qu’il me conseille
De ne m’affliger pas.