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ODE IX


Le centiéme decembre a les plaines ternies,
Et le centiéme avril les a peintes de fleurs,
Depuis que parmi nous leurs brutales manies
Ne causent que des pleurs.

Dans toutes les fureurs des siecles de tes peres,
Les monstres les plus noirs firent-ils jamais rien
Que l’inhumanité de ces coeurs de viperes
Ne renouvelle au tien ?

Par qui sont aujourd’huy tant de villes desertes,
Tant de grands bastimens en masures changez,
Et de tant de chardons les campagnes couvertes,
Que par ces enragez ?

Les sceptres devant eux n’ont point de privileges,
Les immortels eux-mesme en sont persecutez ;
Et c’est aux plus saints lieux que leurs mains sacrileges
Font plus d’impietez.

Marche, va les détruire, éteins-en la semence,
Et suy jusqu’à leur fin ton courroux genereux,
Sans jamais écouter ny pitié ny clemence
Qui te parle pour eux.

Ils ont beau vers le ciel leurs murailles accroistre,
Beau d’un soin assidu travailler à leurs forts,
Et creuser leurs fossez jusqu’à faire paroistre
Le jour entre les morts.