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NOTICE

bas ; il fait venir sa femme, et le ménage s’établit à Caen, assez mal accueilli d’ailleurs par un père qui garde rancune à son fils d’avoir dédaigné autrefois sa maison et sa charge, et par un frère qui craint de voir lui échapper la succession au présidial. Les rentes de Madeleine sur les lointaines villes de Brignoles et de Tarascon sont maintenant précaires, et d’ailleurs insuffisantes à l’entretien d’une famille qui s’est accrue ; Malherbe accepte, à contre-cœur, un poste d’échevin, et se console en rimant.

C’est en 1587 qu’il publie un poème imité de Luigi Tansillo : Les Larmes de Saint Pierre. Lui qui, plus tard, combattra impitoyablement chez Ronsard et chez Desportes, l’affectation, l’enflure, tout le mauvais goût hérité des italiens de la décadence, en donne ici les exemples les plus détestables. Mais déjà, en mainte place, quelle science du rythme, quel art dans la conduite de la période ! Et tout à coup, sans doute parce que son modèle italien s’est lui-même approché de la simplicité latine en paraphrasant le Salvete flores martyrum de Prudence, dix strophes jaillissent, d’un éclat, d’une fraîcheur, d’une perfection extraordinaires. Ce morceau, — celui où le poète nous montre Saint Pierre coupable pleurant sur l’heureuse innocence des enfants massacrés par Hérode, — était la révélation d’un poète. Personne pourtant n’y prit garde ; Henri III se contenta de récompenser par un don de cinq cents écus une trop flatteuse dédicace, et l’auteur ne sortit ni de son obscurité, ni de sa gêne.

Neuf ans plus tard seulement, quand il a perdu ses deux filles et qu’il voit sa femme languir de demeurer si longtemps éloignée des siens, il se résout à changer encore une fois d’existence ; il retourne en Provence pour y vivre, comme il pourra, de ses maigres revenus, mais au soleil. Heureuse inspiration. À Aix, vieille cité parlementaire et savante, il trouve mieux, cette fois, que le frivole Henri d’Angoulême : le noble et grave Du Vair, premier président du parlement de Provence, l’auteur de Recherches sur l’Éloquence française, orateur cicéronien, caractère antique. Auprès de lui, plus jeune, le conseiller Peiresc, grand érudit, grand collectionneur, grand curieux de tableaux et de manuscrits