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vii
NOTICE

paternelle. Foin de la magistrature ! Il veut être soldat, comme son ancêtre le compagnon du duc Guillaume. Et le voilà quittant la Normandie, à la recherche d’un protecteur. Il le trouve en la personne de Henri d’Angoulême, grand prieur de France, fils naturel du roi Henri II, que son frère Henri III vient de nommer amiral des Mers du Levant, et, par surcroît, gouverneur de la Provence. Mais, satisfait de ces nouveaux titres, le grand prieur se soucie peu de commander des flottes ou des armées ; et bien que, plus tard, Malherbe se soit vanté d’avoir accompagné son maître en deux expéditions, dont on ne trouve aucune trace, et notamment d’avoir poursuivi pendant trois lieues, l’épée dans les reins, une compagnie huguenote commandée par Sully, lequel n’approcha jamais de Provence, ceci seulement est certain : le protecteur et le protégé, qui se piquaient l’un et l’autre de poésie, firent ensemble beaucoup de vers. Les plus anciens vers qu’on connaisse de Malherbe sont ceux d’un quatrain qu’il envoya au célèbre Étienne Pasquier, à propos d’un certain portrait de lui qui devait inspirer aux beaux esprits d’alors tout un recueil de poèmes ; et à côté de ce quatrain, on en lit un du grand prieur. Ils se valent : ils sont médiocres tous les deux. Mais notez la date, 1585, c’est celle de la mort de Ronsard et celle de la première manifestation poétique de celui qui va être à la fois son détracteur et son successeur.

En 1581, après quelques années d’une vie où le plaisir tenait plus de place que le travail, Malherbe, que l’amour ne devait jamais tourmenter qu’en vers, avait fait un mariage de raison avec une dame, déjà veuve de deux maris, Madeleine de Coriolis, fille d’un président au parlement de Provence, dont il devait avoir trois enfants ; un fils et deux filles. L’année suivante, comme des intérêts de famille l’avaient appelé en Normandie, pour la première fois depuis dix années, il y recevait la nouvelle de la mort violente du grand prieur, à qui un gentilhomme provençal, à la suite d’un querelle, venait de passer son épée au travers du corps. Malherbe, privé de son protecteur, n’a plus d’intérêt à retourner là-