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NOTICE

grave, car une langue si artificielle, dont, d’ailleurs, il n’y a jamais eu aucun exemple, serait sans vertu d’expansion et isolerait les poètes de la foule. Elle serait, de plus, dans un perpétuel devenir, et, d’un siècle à un autre, les plus belles œuvres deviendraient inintelligibles. Ronsard, fort heureusement, n’avait appliqué ce système qu’avec une grande modération, en un très-petit nombre de pièces, les seules pourtant, croirait-on, que Malherbe et Boileau aient voulu voir. Toutefois, il y aurait eu là un péril, et Malherbe l’a deviné avec une haute sagesse. Il proclame donc que l’usage, et non le poète, est le maître de la langue : il renvoie, pour l’apprendre, « aux crocheteurs du Port-au-foin » plutôt qu’aux gentilshommes de la Cour où les italianismes, importés de Florence à la suite de Marie de Médicis, et les tournures gasconnes, venues de Navarre avec le roi Henri, ont gâté le vrai parler de France.

Il s’agit de le rendre conforme à son véritable génie, non par des additions savantes, mais par des éliminations sagaces, et de le fixer par des chefs-d’œuvre. C’est ce que Malherbe commence de faire lui-même. Corneille continuera. Richelieu enfin, en fondant l’Académie Française et en la chargeant de composer ce Dictionnaire de l’Usage où ne seront admis, à de longs intervalles, que les mots rendus nécessaires par des besoins nouveaux et déjà entrés dans le commerce ordinaire de la vie, Richelieu adopte, corrobore et consacre, tout simplement, la maîtresse pensée de Malherbe.


II

L’ÉCOLE CLASSIQUE

Nous n’essaierons point de définir l’École Classique ; aucune définition ne serait assez large pour qu’on la pût appliquer aux tempéraments, beaucoup plus variés qu’on a coutume de le croire, des poètes qui ont chanté pendant les deux siècles appelés classiques, mais que, pour cette raison de chronologie, nous devons quand même rapprocher ici, encore que plus d’un se rattache, par la nature de son