Page:Malherbe - Chefs d’œuvre lyriques, 1909.djvu/32

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
xxii
NOTICE

grandes vertus lyriques ? Non, le lyrisme préfère même une ordonnance, non pas moins parfaite en soi, certes, mais évidente à la sensibilité plutôt qu’à la raison. L’autre est surtout l’armature nécessaire de l’éloquence et du théâtre. C’est donc l’art de Bossuet et celui de Corneille que Malherbe annonce et prépare, plutôt que celui de Victor Hugo ou celui de Lamartine.

La versification. S’il s’est montré trop sévère pour l’enjambement, pour l’hiatus, et s’il a eu tort d’exiger que la rime satisfît l’œil autant que l’oreille, il a été, sur ce chapitre de la rime, le maître qu’il faut écouter encore presque sans réserve. Il a eu raison lorsqu’il a proscrit de faire rimer ensemble les mots dérivés d’une même racine, ceux qui sont trop proches parents comme : moi, toi, père, mère ; les noms propres ; les mots à désinence longue rapprochés de ceux à désinence brève, etc… en somme, toutes les rimes inexactes ou trop faciles, celles qui diminuent la jouissance auditive, ou qui, banales, mènent aux pensées banales, faute d’avoir tendu l’esprit du rimeur vers l’expression neuve, rare et forte de sa pensée.

De plus, en matière de rythmes, s’il ne profitera guère, pour son compte, des innombrables formules strophiques innovées par Ronsard, à son tour il en inventera trois ou quatre, plus belles et plus larges encore, celles que Victor Hugo et Lamartine reprendront en leurs plus illustres poèmes. Notamment il constituera, le premier, la strophe lyrique par excellence, celle de dix vers octosyllabiques, agencés, quant à la succession des rimes, d’une si merveilleuse manière que personne, depuis, ne l’ordonnera plus autrement.

La langue. Ah ! ici, Ronsard et du Bellay avait beaucoup erré, du moins quant à la doctrine. Ils croyaient que pour élever notre langue poétique à la hauteur de la grecque et de la latine, les poètes ne devaient pas se contenter du langage vulgaire, mais créer systématiquement un vocabulaire plus riche, en y adjoignant des mots grecs et latins francisés, des vocables repris aux vieux siècles ou empruntés au patois des diverses provinces, et même des mots créés « par provignement, » par exemple en faisant, d’un verbe, dériver un adjectif et un substantif non existants encore. Erreur