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L’ÉCOLE CLASSIQUE

Sonnets


CELLE dont la dépouille en ce marbre est enclose
Fut le digne sujet de mes saintes amours.
Las ! depuis qu’elle y dort, jamais je ne repose,
Puisqu’il faut en veillant que j’y songe toujours.

Celui qui des mortels à son pouvoir dispose
Éteignit ce soleil au milieu de son cours ;
La charmante Philis passa comme une rose,
Et sa beauté, plus vive, eut des termes plus courts.

La Mort qui par mes pleurs ne fut pas divertie
Enleva de mes bras cette chère partie
D’un agréable tout qu’avait fait l’amitié.

Mais, ô divin esprit qui gouvernais mon âme,
La Parque n’a coupé notre fil qu’à moitié,
Car je meurs en ta cendre et tu vis dans ma flamme.



MON âme, éveille-toi du dangereux sommeil
Qui te pourrait conduire en des nuits éternelles,
Et chassant la vapeur qui couvre tes prunelles,
Ne prends plus désormais l’ombre pour le soleil.

Ne crois plus de tes sens le perfide conseil ;
C’est assez adorer des objets infidèles ;
Servons à l’avenir des beautés immortelles
Que l’on trouve toujours en un état pareil.

Aimons l’Auteur du monde : il est sans inconstance ;
La bonté pour nos vœux n’a point de résistance,
Nous pouvons en secret lui parler nuit et jour ;

Il connait notre ardeur et notre inquiétude,
Et ne reçoit jamais de traits de notre amour
Pour les récompenser de traits d’ingratitude.

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