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NOTICE

autres, je veux mourir comme les autres, et aller où vont les autres » disait-il souvent, quand on lui parlait du paradis et de l’enfer.

« Une heure avant de mourir, » — lisons nous dans Racan, — « après avoir été deux heures à l’agonie, il se réveilla comme en sursaut pour reprendre son hôtesse, qui lui servait de garde, d’un mot qui n’était pas bien français à son gré ; et comme son confesseur lui en fit réprimande, il lui dit qu’il ne pouvait s’en empêcher et qu’il voulait, jusques à la mort, maintenir la pureté de la langue française. »

Tout l’homme est dans ces deux traits de sa fin. Il expira le 16 Octobre 1628.

Malherbe n’est pas un inspiré génial ; c’est un grand artiste volontaire dont la longue patience a, quelquefois, abouti laborieusement à l’inspiration et au génie. Hors ces bonnes fortunes, méritées par une obstination héroïque et par une conception très-haute de l’art des vers, on ne sent point chez lui le jaillissement spontané du verbe qui chante. On sait que, souvent, il gâtait toute une rame de papier pour faire une strophe ; et il disait à ses disciples que, lorsqu’on avait fait cent vers, on avait le droit de se reposer dix années. Chez lui, l’inspiration, presque toujours, est courte ; lorsque par hasard, c’est au commencement qu’elle a jailli, elle tarit vite, et l’ode, qui était partie d’un élan triomphal, se traîne, trois fois trop étendue, et s’arrête sur quelque louange emphatique et banale, que la stérilité d’imagination du poète ne sait pas même renouveler selon les personnages : après avoir prédit à Henri IV qu’il fera trembler Memphis, il prédira à Marie de Médicis qu’elle renversera Turin, et à Louis XIII qu’il rasera l’Escurial. Voilà toute la différence ! Ou alors, de dix façons, c’est à lui-même qu’il décerne la louange finale :

Les ouvrages communs vivent quelques années,
Ce que Malherbe écrit dure éternellement.

Il ne connaît guère d’autres conclusions que ces deux-là. Son imagination est stérile parce que son cœur est sec : il ne vibre ni en présence de la nature, ni à la