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NOTICE

Malherbe, Racan, Maynard, par leur commun amour de l’ordre, de la raison, de la soumission à une règle, annoncent et préparent l’état d’esprit qui dominera sous Louis XIV ; mais il s’en faut de beaucoup que, de leur temps, ils soient obéis et suivis. Tant que règne Louis XIII, la sagesse classique est éclipsée par une savoureuse folie faite de verve gauloise, de maniérisme italien, de bouffonnerie et de grandiloquence espagnoles. Jamais le royaume des lettres n’a été peuplé de plus de singuliers personnages, gaspillant, faute d’un peu de cette discipline que Malherbe enseignait, plus de ces magnifiques dons naturels qui manquaient à Malherbe.

Saluons d’abord Mathurin Régnier, né à Chartres, fils d’un échevin de cette ville et d’une sœur de Philippe Desportes, en 1573. Pauvre, destiné à l’Église, il s’attache au Cardinal de Joyeuse qui le garde huit ans à Rome. Au retour, il est pourvu d’un canonicat à l’Église Notre-Dame de Chartres et n’en continue pas moins la vie peu exemplaire qu’il a commencé de mener dans la Ville Éternelle. À quarante ans (1613) il mourra dans une auberge de Rouen, de la suite de ses débauches. On sait qu’il est le premier des satyriques français, l’immortel auteur de Macette, mais que Boileau a pu justement ajouter à l’éloge de ses satires :

Heureux si ses discours, craints des chastes lecteurs,
Ne se sentaient des lieux que fréquentait l’auteur !

Son œuvre lyrique, la seule dont nous ayons à nous occuper ici, est beaucoup moins importante, et elle charrie aussi beaucoup de boue mêlée à son sable d’or. Nous ne saurions donner même les titres de telle ou telle ode gaillarde ; mais, quelquefois, un retour à la vie intérieure a dicté au poète des stances ou des sonnets vraiment nobles, qui font songer surtout aux poèmes que Desportes repentant rimait sous les cloîtres de ses abbayes. Aucune influence de Malherbe, à qui Régnier ne pardonna jamais l’injure faite à son oncle. Toute la satire À Monsieur Rapin est dirigée contre lui. Ajoutons bien vite que ce n’est pas là, de sa part, une simple vengeance : il y a incompatibilité absolue de doctrine, et d’abord de tempérament, entre lui qui « prend les vers à la pipée, » et celui que leur contemporain Guez de Balzac