Page:Malherbe - Chefs d’œuvre lyriques, 1909.djvu/51

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
xli
NOTICE


L’un est sans doute mieux rêvé,
Mieux conduit, et mieux achevé,
Mais je voudrais avoir fait l’autre.



Il ne faudrait pas juger Isaac de Benserade (1612-1691) sur ce fâcheux sonnet de Job. Le poète était encore à ses débuts, et c’est plus tard, lorsqu’il composera des mascarades et des ballets, représentés à Versailles avec les plus grands seigneurs, les plus grandes dames et le Roi-Soleil lui-même pour acteurs, c’est alors seulement que l’on devra chercher le véritable Benserade, Et l’on trouvera un poète dont Théodore de Banville a pu dire que ses inventions de mythologie et de chevalerie sont souvent « des miracles d’esprit et de noblesse » et qu’il a su, comme nul avant lui, « amalgamer dans un type idéal le personnage représenté et son interprête. » Le sonnet Pour le roi représentant Roger est même quelque chose de plus qu’une spirituelle et noble louange : c’est l’âme historique de la France que Benserade y montre incarnée dans la personne de son roi.



Jean-François Sarrasin, pourtant, est un artiste supérieur encore à Benserade et à Voiture. Né en 1603, près de Caen, il fait ses études à l’université de cette ville, vend sa terre familiale et vient à Paris, où il est présenté à l’hôtel de Rambouillet par Mlle Paulet « la belle lionne. » Plus tard, il brillera de même aux Samedis de Mlle de Scudéry. Le voilà secrétaire de Paul de Gondi, le futur Cardinal de Retz. Il le deviendra du Prince de Conti, chez lequel il pourra fréquenter, à Chantilly, le Duc d’Enghien, c’est-à-dire le grand Condé, frère aine du prince, et, à Pézenas, le grand Molière, quand celui-ci, obscur encore, ira y jouer avec sa troupe, pendant la tenue des États du Languedoc. C’est à Pézenas qu’il mourra, en 1654, empoisonné, dit-on, par un mari jaloux. On lui doit, outre de belles pages d’histoire à la Salluste, les strophes assurément les plus élégantes, les mieux rimées, les mieux écrites de toute » celles que prodiguèrent les poètes de la « Société polie. »