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NOTICE

lesquelles on est tout surpris de rencontrer, de loin en loin, le coloris et le parfum de quelques fleurs véritables. Du moins y a-t-il encore un peu de poésie dans cette « petite poésie, » tandis que de la « grande » il ne reste plus, nous le savons, que des simulacres.

Pendant les mêmes dernières années du règne de Louis XIV et pendant les premières de la Régence, à l’aimable Cour de Sceaux, chez la duchesse du Maine, ou aux soupers du Temple, en compagnie plus libertine, chez le grand-prieur de Vendôme, écoutons les jolies strophes anacréontiques de Guillaume Anfrye, abbé de Chaulieu (1639-1720), « le premier des poètes négligés, » selon Voltaire. Ou bien, notons certaine chanson sémillante et galante, d’un rythme si hardi que chaque couplet commence même par un vers inusité de treize syllabes : elle est, ne vous en déplaise, d’un Irlandais de vieille souche, compagnon de Jacques II exilé, Antoine, comte d’Hamilton (1646-1720), devenu, pour avoir écrit les Mémoires de Grammant, l’un de nos prosateurs classiques.

Charles Rivière Dufresny (1648-1724), parisien, petit-fils de Henry IV et de la belle jardinière du château d’Anet, fut poète, soldat, journaliste, musicien, agioteur, auteur de très spirituelles comédies, excellent jardinier enfin, par atavisme. À ce titre il faillit même tracer, dans le goût pittoresque et irrégulier des jardins anglais, le parc de Versailles ; mais son cousin Louis XIV, dont il était valet de chambre, donna la préférence au plan solennel de Lenôtre. Entre ses Amusements sérieux ou comiques on pourrait choisir plus d’une jolie chanson, celle des Lendemains, par exemple, une toute petite chose, mais parfaite.

Stanislas-Jean, Marquis de Boufflers (1737-1815), l’auteur, en prose, de la délicieuse et légère Aline, Reine de Golconde, tour à tour abbé, chevalier de Malte, hussard, maréchal de camp, diplomate en Allemagne, gouverneur du Sénégal, député aux États-Généraux, émigré, agriculteur, enfin administrateur de la Bibliothèque Mazarine, a laissé, parmi beaucoup de petits poèmes lestes et spirituels, dix vers émus sur les cheveux blancs d’une femme aimée : témoignage, sans doute, de la longue et fidèle tendresse qui le lia, puis l’unit par le mariage, à la comtesse de Sabran, son exquise amie.

Mais voici le roi de la poésie fugitive, le roi Voltaire