tournions quelques feuillets, jusqu’à l’ode où Lebrun célèbre Les Paysages des Environs de Paris, nous trouverions des vers tels que ceux-ci, dont chaque mot a besoin d’une traduction, tant la folie de la périphrase et du « mot noble » y est à son comble :
La colline qui, vers le pôle
(le Butte Montmartre, qui, au Nord)
Borne nos fertiles marais,
(nos cultures maraîchères)
Occupe les enfants d’Éole
(les vents)
À broyer les dons de Cérès.
(à faire tourner les moulins à farine)
Vanves, qu’habite Galatée,
(où il y a des gardeuses de bestiaux)
Sait du lait d’Io, d’Amalthée
(du lait de vache et de chèvre)
Épaissir les flots écumeux ;
(faire du fromage)
Et Sèvres, d’une pure argile
(avec du kaolin)
Compose l’albâtre fragile
(la porcelaine)
Où Moka nous verse ses feux.
(dont on fait les tasses à café !!!)
Si Lebrun-Pindare se montre quelquefois le plus détestable des poètes lyriques, disons bien vite qu’il est toujours le maître incontesté des faiseurs d’épigrammes. Citons-en au moins une, superbe, sur La Harpe, qui venait de parler du grand Corneille avec irrévérence :
Ce petit homme à son petit compas
Veut sans pudeur asservir le génie ;
Au bas du Pinde il trotte à petits pas,
Et croit franchir les sommets d’Aonie.
Au grand Corneille il a fait avanie ;
Mais, à vrai dire, on riait aux éclats
De voir ce nain mesurer un Atlas ;
Et, redoublant ses efforts de Pygmée,
Burlesquement raidir ses petits bras
Pour étouffer si haute renommée !