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FRANÇOIS DE MALHERBE


« Ce fut en ce troupeau que, venant à la guerre
Pour combattre l’enfer et défendre la terre,
Le Sauveur inconnu sa grandeur abaissa ;
Par eux il commença la première mêlée,
Et furent eux aussi que la rage aveuglée
Du contraire parti les premiers offensa.

« Qui voudra se vanter avec eux se compare,
D’avoir reçu la mort par un glaive barbare,
Et d’être allé soi-même au martyre s’offrir ;
L’honneur leur appartient d’avoir ouvert la porte
À quiconque osera, d’une âme belle et forte,
Pour vivre dans le ciel, en la terre mourir.

« Ô désirable fin de leurs peines passées !
Leurs pieds, qui n’ont jamais les ordures pressées,
Un superbe plancher des étoiles se font ;
Leur salaire payé les services précède ;
Premier que d’avoir mal ils trouvent le remède,
Et devant le combat ont les palmes au front.

« Que d’applaudissements, de rumeur et de presses,
Que de feux, que de jeux, que de traits de caresses,
Quand là-haut en ce point on les vit arriver !
Et quel plaisir encore à leur courage tendre,
Voyant Dieu devant eux en ses bras les attendre,
Et pour leur faire honneur les anges se lever !

« Et vous, femmes, trois fois, quatre fois bienheureuses,
De ces jeunes amours les mères amoureuses,
Que faites-vous pour eux, si vous les regrettez ?
Vous fâchez leur repos, et vous rendez coupables,
Ou de n’estimer pas leurs trépas honorables,
Ou de porter envie à leurs félicités.

« Le soir fut avancé de leurs belles journées ;
Mais qu’eussent-ils gagné par un siècle d’années ?