Page:Malherbe - Le Bouquet des fleurs de Sénèque, 1834.djvu/29

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Comme croissent noz ans, noz misères accroissent ;
Comme avance le temps, noz plus beaux jours décroissent
Ainsi ne naissons-nous que pour après mourir.

A peine un blond cotton faisoit homme ton frère,
Quand la mort se faschant de me voir sans misère
Vint racler tout-à-coup de ses ans la beauté.
Ainsi voit-on la rose au matin épanie,
Sans plus d’honneur au soir en sa beauté fanie,
Quand le soleil allume un beau jour en esté.

Laisse tes fols plaisirs , misérable Epicure,
Domte les appetis de ta brute nature ,
Réveille tes esprits. Que sçais tu si Caron
Au milieu de tes jeux dont se moque la Parque,
Maîtresse de tes jours, avance point sa barque,
Pour te faire passer ès rives d’Achéron ?

Qui vit au lendemain ne vit en assurance,
Et l’homme est abusé d’une folle espérance,
Qui s’attend que cent ans soient la borne à ses jours ;
Il n’a rien d’asseuré que la fosse bien seure.
Sage qui seulement en J. C. s’asseure,
Et qui s’attend mourir pour vivre après toujours.