Aller au contenu

Page:Malinowski - Mœurs et coutumes des Mélanésiens, trad. Jankélévitch, 1933.djvu/91

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

matie sur les usages légalisés ou sur les principes qui tendent à la restreindre, et c’est la hiérarchie orthodoxe des systèmes légaux qui décide du résultat.

Nous avons vu en effet que la lutte avait lieu entre la loi stricte et l’usage légalisé, la première ayant pour elle la force d’une tradition définie, la dernière tirant la sienne des inclinations personnelles et du pouvoir réel. C’est ainsi que non seulement l’ensemble de la législation comprend différents types de lois, tels que les lois quasi-civiles et quasi-criminelles, ou les lois régissant les transactions économiques, les relations politiques, etc., mais il existe différents degrés d’orthodoxie, de contrainte et de validité, si bien que les prescriptions forment une hiérarchie qui s’étend du droit maternel, du totémisme et des lois du rang aux échappatoires clandestines et aux moyens traditionnels de défier la loi et d’encourager le crime.

Ici s’arrête notre analyse de la législation et des institutions légales aux îles Trobriand. Les conclusions auxquelles nous sommes arrivés peuvent être résumées ainsi : il existe dans la société trobriandaise des obligations souples et positives, mais assez strictes, correspondant aux obligations que la législation civile impose dans les pays de civilisation plus avancée ; ces obligations comportent une réciprocité, une réglementation publique et des incidences systématiques qui tiennent lieu de la contrainte extérieure ; il existe également des prescriptions législatives négatives, des prohibitions et des tabous, aussi élastiques et adaptables aux circonstances que les prescriptions positives, mais remplissant des fonctions différentes. Notre analyse nous a permis, en outre, de suggérer une nouvelle classification des prescriptions de la loi et de la coutume, de définir la législation comme une catégorie spéciale de prescriptions coutumières et d’opérer des subdivisions au sein même de la législation. Sous ce rapport, nous avons vu qu’en plus de la principale division en lois quasi-civiles et quasi-criminelles, il fallait faire une distinction entre différents degrés de lois, ce qui permet d’établir une hiérarchie qui s’étend des lois principales et les plus consacrées aux évasions et aux moyens traditionnels de tourner la loi, en passant par les usages légalement tolérés. Nous avons pu nous assurer également qu’il existait un certain nombre de systèmes distincts, dont l’ensemble