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Une croyance favorite, à ceux qui enseignent chère, est que certaines périodes ont été spécialement artistiques, et que des peuples, qu’on est prêt à nommer, furent notamment amants de l’Art.

Ainsi l’on nous dit que les Grecs furent, en tant que nation, les adorateurs du beau, et qu’au quinzième siècle l’Art s’impreigna dans la multitude.

Que les grands maîtres vivaient sur un pied d’intelligence commune avec leurs patrons — que les Italiens des premiers temps étaient artistes — tous — et que c’est la demande de la chose belle qui la fit se produire.

Que nous, ceux d’aujourd’hui, par un contraste grossier avec cette pureté arcadienne, appelons le trivial et obtenons le laid.

Que, pussions-nous changer d’habitude et de climat, désirions-nous errer en des bosquets — pût la lumière nous rôtir jusqu’à dépouiller notre drap — fussions-nous sur le point de ne pas nous presser, et de voyager sans vitesse, nous aurions besoin tout à coup de la cuiller à la Reine Anne et piquerions nos pois de la fourchette à deux dents. Et voilà, pour la foule, des hameaux de plaisance surgir près Hammersmith, et qu’on méprise le cheval à vapeur.

Inutile ! et sans l’ombre d’espoir, et faux est cet effort ! — bâti avec de la fable et tout cela parce que « un homme sage a proféré une chose vaine et rempli son ventre du vent d’Est. »

Écoutez ! il n’y a jamais eu de période artistique.

Il n’y a jamais eu un peuple amant de l’Art.