Aller au contenu

Page:Mallarmé - Œuvres complètes, 1951.djvu/1196

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

d’Arusha qu’elle éveille la terre avec ses rayons. Ces rayons deviennent les dards ardents d’Éros et de Cupido, enflammant d’amour les cœurs qu’ils percent. Passons aux dieux de date plus récente, à Brahma, d’abord : on le dit fils de Brahm, nom de la grande Cause première de toutes choses. Brahma, Vishnu, Siva, forment à eux trois la Trimurti postérieure, ou Trinité; Brahma étant le Créateur, Vishnu, celui qui conserve, Siva, le destructeur. Siva est connu sous un autre nom, on l’appelle fréquemment Mahadeva ou Mahadeo (en grec, Megas Theos), le grand dieu; et on le regarde comme le reproducteur, car détruire, selon la philosophie indienne, n’est que reproduire sous une autre forme. Quant à Vishnu, l’Inde honora ses avatars, incarnations du dieu, accomplies par lui pour l’exécution de desseins spéciaux. Le nombre des avatars est fixé à dix; lorsque le dixième aura lieu, ce sera la destruction du monde, et Brahma recommencera son œuvre de créateur. Krishna, qui complète ma nomenclature succincte, est issu, selon quelques légendes, de l’un des cheveux de Vishnu, et il mit au monde, à son tour, Rudra, le destructeur. Ce dieu acquiert une importance très considérable dans la mythologie tout à fait postérieure des Hindous. Faut-il dire encore que ce personnage, Savitar, n’est autre chose qu’un nom du soleil, en tant que « dieu à main d’or », à cause de ses rayons ? Oui; pour ajouter que, le nom plus tard pris à la lettre, l’histoire courut que le soleil, offrant un sacrifice, s’était coupé la main; et que cette main fut remplacée par une d’or. Porte le titre de dieu aussi un sage législateur, fils de Brahma, Manu. C’est le même que le Minos grec; et son nom vient d’une racine commune aux mots mens et homo : l’homme tirant son nom de ce qu’il est « celui qui mesure », soit le penseur.

MYTHES PERSES Ce qui rend la mythologie perse particulièrement remarquable, c’est le sens spirituel ou moral qu’elle greffe sur des phrases et des légendes qui n’avaient rapport originairement qu’à des objets matériels ou physiques. La bataille d’Indra et de Vritra, qui dans l’Inde était un conflit entre le dieu du soleil ou du ciel et le dragon qu’on supposait le gardien de la pluie, devint en Perse la lutte spirituelle entre le bien moral et le mal moral : de façon qu’un texte, suggéré par un spectacle très commun du monde extérieur, se trouva être le fondement d’une philosophie connue sous le nom de Dualisme (en d’autres mots,