Page:Mallarmé - Œuvres complètes, 1951.djvu/1271

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LES PAYS DE L’IMMORTALITÉ* Nous avons, aux premières pages, présenté une description de l’Olympe, habité par les dieux et les déesses. L’étude serait incomplète si, à la fin du livre qui décrit les héros, nous ne parlions des Pays de l'Immortalité, fortunés ou mauvais, habités par les ombres des êtres qui ne vivent plus. La cléité qui règne sur ce monde spécial est, on se le rappelle. Hadès; et ce régent des lieux infernaux s’identifiait avec son royaume au point que maître et États portèrent le même nom. Des fleuves fameux arrosaient l’Hadès : le Styx, qui l’enveloppait de sept replis; puis l’Achéron, le Cocyte, le Phlégéton ou Pyriphlégéthon, et le Léthé. Aucun de ces noms qui n’ait sa signification. Achéron, comme l’Achéloüs, l’Axios, l’Axé, l’Exe, l’Usk, et maint autre courant, signifie simplement l’Eau. Le Cocyte est le fleuve des gémissements et des larmes; le Styx, le fleuve haïssable; le Phlégéton ou Pyriphlégéton, celui du feu : et le Léthé appartient comme Léto, la Latone latine, et Léda, à la terre de Latmos ou celle de l’oubli et de la mort. Le seul détail poétique relatif à ces cours d’eau funèbres, c’est que les ombres les traversaient dans la barque du sombre passeur Charon, fils d’Érèbe et de la Nuit : pour se rendre vers la demeure souterraine à la porte de laquelle veillent les deux chiens, l'un Orthros, et l’autre Cerbère aux trois têtes. A tout jamais on entrait là, sur le verdict des trois juges Minos, Éaque, Radamanthe. Où commence, où finit ici la légende : point curieux à discerner. Ces rivières n’étaient pas imaginaires : non loin de l’Épire existait le fleuve Achéron, avec son affluent le Cocyte; on fit, de toute antiquité, sur leurs bords, des sacrifices pour les morts. Il y a donc, on le voit, quelque chose d'historique mêlé à ces fables. Exemple encore : l’Averne; ce nom appartenant à un lac italien près de Naples, que l’on supposait donner accès aux régions infernales : et la sibylle de Cannes habitait une caverne sur ses bords. Ce n’était pas toutefois un nom d’origine latine, mais une forme latinisée du grec Aornos, qui indique un lieu sans oiseaux : on croyait qu’aucune aile ne pouvait le traverser, à cause des vapeurs mortelles qui s’élevaient à sa surface. Quant à la valeur morale de lieux comme le T'artare, noir gouffre des méchants, situé sous l’Hadès, à une profondeur pareille à la distance qui sépare du ciel la Le Traducteur d’après l’Auteur, Gde Myth. et divers.