tant que vivra cette langue, il faudra respecter ce nom, dont l’existence est un fait acquis. Mais où il siérait d’imposer silence à l’éloge, c’est dans le cas entrevu d’un mot grec qui, après avoir été régulièrement transcrit en Latin, a été, par la suite, non moins régulièrement transcrit du Latin en Français. Sans compter qu’il y eut, dans cette déplorable erreur traditionnelle, confusion non plus de simples noms, mais souvent de personnages : exemple, Artémis, que je choisis, n’a, scientifiquement, rien à faire avec Diane. La grande familiarité du Latin avait conduit les modernes à négliger, absolument, le nom grec des grands dieux dont le culte fut à peu près commun à la Grèce et à l’Italie. Pourquoi, par ce détour, infliger à ce nom une perte de sa saveur très grande relativement à celle qu’il eût subie dans son passage immédiat de Grèce chez nous ? Ce pas est mauvais : je respecte l’empressement instinctif du Français à traduire, mais je blâme qu’il n’ait pas su prendre où traduire. Il faudra qu’on revienne sur ce pas : quand? je ne sais, il m’est permis cependant de conjecturer ; et je présume que, des horizons différents s’ouvrant à l’étude mythologique qui entre, avec des livres comme le présent, dans une phase nouvelle, plus d’un étudiant profitera du bon moment pour faire accomplir aux mots de son lexique une seconde évolution qui le rendra parfait; à savoir : la traduction du Grec en Français, comme il y a déjà celle du Latin même en Français. Je m’adresse à ce public spécial : loin de moi de croire qu’il suffise qu’un livre, celui-ci ou quelque autre, impose les noms régénérés, pour que la régénération soit durable! Une portion, même restreinte et technique, d’une langue ne change pas en une heure, à moins qu’un groupe d’individus n’y trouve un intérêt immédiat, comme ce fut le cas, il y a un demi-siècle, à propos de la nomenclature des sciences physiques et naturelles. Or ne nous abusons pas : c’est une étude spéciale ou restreinte encore que celle des Mythes.
Page:Mallarmé - Œuvres complètes, 1951.djvu/1300
Apparence