Page:Mallarmé - Œuvres complètes, 1951.djvu/1320

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Blanche; au-dessous de toi est la vallée du Contentement avec l’or de ses champs de blés, ses bosquets d’orangers, ses pâturages verdoyants et ses éternelles rivières. A droite, vois, s’élance dans les nuages la montagne de Force, plus loin s’étend la forêt de Paix au travers de notre royaume, et, à une grande distance, roule le puissant océan, insondable dans la profondeur de sa tranquillité, portant gracieusement sur ses vagues les vaisseaux confiés à sa charge, et doucement, sûrement, les berçant à destination. » Blanche contempla dans une muette admiration et s’aperçut, comme la Fée achevait de parler, qu’elle approchait d'un grand château resplendissant, sis au milieu de la forêt de Paix. Quel merveilleux château! Jamais ses yeux n’avaient considéré rien d’aussi brillant. Comme elles y touchaient presque, l’enfant vit qu’il était bâti en diamant : point de faux éclat ici, mais des joyaux vrais de la plus belle eau. Sous son arche rayonnant majestueusement, s’offrit au regard une troupe de Fées dansant et gambadant partout, en toute gaîté; et quand le char enfin aborda le sol et que les voyageuses s’arrêtèrent devant l’entrée, les Fées se groupèrent joyeusement autour d’elles, chantant un chant de bienvenue. Celles-ci étaient vêtues, quelques-unes d’un blanc de neige, dénotant la pureté, d’autres en bleu, emblème de vérité, et le reste en rose, qui signifie amour. Après les avoir toutes gracieusement saluées, présentant Blanche, la Reine des Fées dit : « Il ne faut point fatiguer cette petite mortelle, elle en a presque assez vu pour aujourd’hui. Rafraîchissons-nous après notre voyage », ajouta-t-elle, souriante, en prenant la main de la Princesse et lui montrant le chemin, pendant que suivaient les Fées. Elles traversèrent plusieurs salles hautes, les unes de corail, d’autres de rubis, certaines de pierres précieuses variées; et le pas de Blanche se faisait aussi léger que celui des Fées, car le contentement de son cœur donnait de l’élasticité à sa marche; et ce qu’elle éprouvait, c’était comme si elle foulait l’air même. Finalement, elles entrèrent dans le lieu des banquets, une salle aux proportions immenses et d’une hauteur extraordinaire. Les murs étaient cl’émeraude, énormes et irréguliers comme des rocs, présentant l’aspect d’une grotte; au pied se précipitaient des cascades de nectar, tombant d’un jet impétueux dans un bassin circulaire. Un dais planait au plafond, le cachant; des guirlandes de roses contournaient amoureusement les piliers d’émeraude coupant les parois de la grande salle, et pendaient en festons de l’un à l’autre, ménageant des bosquets ou des allées. Les arbres les plus rares croissaient en cet endroit; et, sur leurs branches, reposaient les Fées musiciennes, resplendissantes d’une