soient : et leur flanquer mon pied quelque part : et je suis bien fatigué, oh ! bien las, pour mettre quelque chose en train. » De ces trois juges l’un, dit-on, se montra entièrement favorable, ce fut Théodore de Banville ; un autre, Anatole France, absolument opposé à l’insertion dans le Parnasse des vers de Mallarmé : il est vrai que cet ostracisme frappait en même temps des vers envoyés par Verlaine : qui étaient, déclara France, « les plus mauvais que je connaisse ». C’était quelques-uns des poëmes du futur et admirable recueil Sagesse. Dans le Figaro Littéraire, en 1948, nous avons pu faire connaître, grâce à un manuscrit de la collection L. Graux, un état, resté jusque-là inconnu, qui offre, avec les états publiés, assez de variantes, pour qu’il y ait intérêt à l’insérer ici intégralement. C’est pour le Troisième Parnasse Contemporain que Stéphane Mallarmé, en 1875, l’avait préparé. Tout de suite après notre publication, des éditeurs anonymes, et aussi privés de goût que de scrupule, sc sont emparés de ce texte pour en faire une plaquette qui cherchait bien grossièrement à rappeler celle que Mallarmé et Manet avaient mise au point. IMPROVISATION D’UN FAUNE Ces Nymphes, je les veux émerveiller ! Si clair, Leur naïf incarnat qu’il flotte dans tout l’air Encombré de sommeil touffu. Baisais-je un songe ? Mon doute, loin ici de finir, se prolonge En de nouveaux rameaux ; qui, demeurés ces vrais Massifs noirs, font qu’hélas ! tout à l'heure j’ouvrais Les yeux à la pudeur ordinaire de roses. Réfléchissons. Que si le couple dont tu gloses Atteste le souhait de tes sens fabuleux... Faune, l’illusion s’échappe des yeux bleus Et froids, comme une source en pleurs, de la plus chaste ; Mais, l’autre au tiède aveu, dis-tu qu'elle contraste Comme brise du jour vaine dans ta toison ? Oui-da ! sous l’anxieuse et lasse pâmoison Suffoquant de clarté le matin frais s’il lutte, Ne vagabonde d’eau que ne verse la flûte Au bosquet rafraîchi de chant : et le seul vent Hors de mes tuyaux prompt à s'exhaler avant Qu’il disperse la voix dans une pluie aride, C’est, à l’horizon pas remué d’une ride, L’invisible et serein souffle artificiel De l'inspiration qui regagne le Ciel.
Page:Mallarmé - Œuvres complètes, 1951.djvu/1478
Apparence