Page:Mallarmé - Œuvres complètes, 1951.djvu/1486

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

concluait : « Rien n’est peut-être allé si loin que /’Après-Midi d'un Faune dans cette voie de la poésie pure. L’émanation de musique et de ballet que le poëte projeta d’en dégager, notre lecture, du projet seul, suffit à l’exhaler. Les visions et les ombres qui fuient de la flûte, de la plainte et de l’extase du faune réalisent autour de l’œuvre ces nuées renouvelées d’air limpide et d’or vivant... » Rappelons l’opinion d’un poëte, celle de Francis Jammes. « La clarté de ce poëme est aveuglante. La syntaxe des vingt-deux premiers vers est la plus pure et la plus exacte qu’un écrivain ait jamais édifiée. Mais on ne distingue rien à première vue, et, si l’on analyse ensuite, la masse à nouveau se perd dans le détail, qu’il faudra encore dégager. « Cependant cela veut dire que des roses se balancent, que leur incarnat se reflète dans l’eau bleue des fontaines dont la fraîcheur, mêlée à celle de la brise, lutte avec la chaleur, et le murmure rivalise avec les modulations de la flûte. L’ensemble de ces sensations, reçues par le faune assoupi, lui donne l’illusion qu’il étreint les nymphes en fleur, contrastant entre elles comme le froid avec le chaud, l’azur avec l’ombre, le passionné sanglot avec le chaste soupir. « Tout cela est transparent, dis-je. Mais nul mortel, à moins qu’il ne soit, à ses moments perdus, un dormeur éveillé, c’est-à-dire lui-même poëte, ne saurait apercevoir une seule molécule de cette vibration solaire. » (Francis Jammes : Leçons Poétiques, p. m; 1 vol. Mercure de France, 1930.) Dans le numéro de janvier 1888 de la Revue Indépendante, p. 166, on pouvait lire ceci : Glose à l'Après-Midi d'un Faune, par V.-Emm. C. Lombardi, « dix pages de musique pour le piano : inexpérienee candide et charme épars ». Ce fut la première manifestation d’une suggestion musicale inspirée par l’églogue de Mallarmé. Elle devait, quatre ans plus tard, en inspirer une d’une plus rare qualité. C’est en 1892 que Claude Debussy entreprit le Prélude à l'après-Midi d'un Faune qu’il acheva en septembre 1894 et qui fut donné en première audition à la Société Nationale le 22 décembre 1894 et publié chez Fromont en 1895. Dès 1887, Debussy avait témoigné de son goût pour le poëme de Mallarmé en en donnant un exemplaire à Paul Dukas, avec cette dédicace : « Amitiés, Esthétique... Toute la Lyre. — A Debussy. 25.5. 87. » Il semble bien que Debussy avait conçu d’abord une œuvre plus étendue, car, dans la partition originale de la Damoiselle Élue (Librairie de l’Art Indépendant, 1893) on lit : « En préparation : Prélude, Interludes et paraphrase finale pour « l'Après-Midi d'un Faune ». Le compositeur, dans une lettre à G. Jean-Aubry, du 25 mars 1910, a rapporté l’impression qu’eut Mallarmé de l’audition, au piano, du Prélude. « Mallarmé vint chez moi, fatidique et