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le premier poëte américain se trouve deux fois si parfaitement traduit, grâce à la collaboration de deux grands artistes. » (Tbe Letters of Algernon Charles Swinburne, vol, I, p. 226, Heinemann, Londres, 1918.)


En novembre suivant, Swinburne vantait l’œuvre de Mallarmé et Manet dans une lettre à Sara Sigourncy Rice qui avait pris l’initiative du Poe Memorial à Baltimore; et ce fut probablement ainsi que Mallarmé fut convié à s’associer à l’hommage rendu à Edgar Poe.


Mallarmé en exprimait à Swinburne sa reconnaissance, le 27 janvier 1876 : « Ma suprême, profonde et inoubliable reconnaissance, cher Monsieur et Maître, résultat de la lecture dans un journal anglais égaré, de la noble lettre, qui eonsacrc, autant pour moi que l’eût fait un mot de satisfaction prononcé par Poe lui-même, le Corbeau et fait l’offrande aux fêtes d’Amérique de notre témoignage, ignoré sans vous, d’admiration pour le génie qu’elles glorifient. Grâce à votre exquise et bienveillante initiative à l’égard d’étrangers (mais ce terme doit être banni de toute conversation avec vous, fût-il même employé à notre adresse), nous avons de loin et à notre insu assisté à la cérémonie où vous nous avez fait deux places, vous effaçant filialement devant ce grand et ehcr Baudelaire. Emotion durable que celle éprouvée là, et je vous l’affirme, cher Monsieur et Maître, l’une des plus vives de ma vie littéraire. »


Enfin, — et non des moindres témoignages — de Providence (États-Unis), le 6 février 1877, Miss Sarah Helen Whitman, poétesse américaine qu’en 1848 Edgar Poe avait été sur le point d’épouser, remerciait Mallarmé de l’envoi du Corbeau dans une lettre dont nous traduisons ce passage :


« Depuis que je vous ai écrit, le Corbeau est devenu mon compagnon du coin du feu, une présence aussi réelle pour moi qu’un rêve au moment où l’on y est plongé.


« Votre traduction transmet admirablement non seulement l’esprit, mais la lettre de l’original. Je ne suis pas tout à fait sûre de la façon dont vous avez rendu les mots Stock and store. A un leeteur anglais, eela suggère quelque chose de trop tangible et matériel pour le texte original où les mots sont métaphoriques, tandis que « bagage » a un sens tout à fait défini et limité. » (Cela se rapporte à la 10e strophe du Corbeau : son fonds, son bagage.)


Douze années devaient s’écouler sans que Mallarmé publiât la moindre traduction d’Edgar Poe : pas même lorsqu’à partir de 1884, des revues commencèrent à solliciter sa collaboration. Pourtant, entre autres exemples, nous savons que, le 15 mars 1884, Charles Morice, réclamant à Mallarmé des vers que celui-ci lui ' avait promis pour la Revue Critique ajoutait : « Le directeur est M. Émile Max et il demande quelque traduction d’Edgar Poe. » Déjà, en 1879, l’autorité de Mallarmé en matière poesque n’échap-