Aller au contenu

Page:Mallarmé - Œuvres complètes, 1951.djvu/235

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ROMANCES ET VERS D’ALBUM LA ROMANCE La Romance, qui se plaît à saluer et à chanter, la tête somnolente et l’aile ployée, parmi les feuilles vertes secouées au loin clans quelque lac ombreux, a été pour moi un perroquet colorié — oiseau fort familier; — m’a montré l’alphabet, et à balbutier mes toutes premières paroles quand j’étais dans le bois farouche, enfant à l’œil sagace. Condors, maintenant, des ans éternels ébranlent à ce point les hauteurs de l’air avec un tumulte de foudre, que je n’ai plus de temps pour des soins ardents, les yeux fixes sur l’inquiet ciel. Et, quand une heure aux ailes plus calmes étend sa plume sur mon esprit — passer ce peu de temps avec la lyre et le rythme (choses défendues !), mon cœur s’en ferait un crime, à moins qu’il n’ait frémi à l’unisson des cordes. ELDORADO Gaiement accoutré, un galant chevalier, au soleil et par les ténèbres, avait longtemps voyagé, chantant une chanson, à la recherche de l’Eldorado. Mais il se fit vieux, ce chevalier si hardi, et sur son cœur tomba une ombre, comme il ne trouvait aucun endroit de la terre qui ressemblât à l’Eldorado. Et, quand sa force défaillit à la longue, il rencontra une ombre pèlerine. — « Ombre, dit-il, où peut être cette terre d’Eldorado ? » — « Par delà les montagnes de la lune, et au fond de