Page:Mallarmé - Œuvres complètes, 1951.djvu/278

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les traits saillants de cette originalité, et, n’ayant sous les yeux ni l’écrin d’éloges offert par Théodore de Banville, ni l’aimable serrement de main de Texier, ni tout ce qu’ont dit Monselet, Louis Enault, Saint-Valry, de Belloy, Guttinguer, Emile Deschamps, et tant d’autres, je me citerai moi-même. « ... Les sentiments de la vie parisienne pris au sérieux et vus à travers le prisme de la poésie, un idéal qui n’existe point par son propre rêve et soit le lyrisme de la réalité, telle est l’intention des Poésies parisiennes*. A Paris, l’existence est l’action sans trêve. Cette poésie ne s’arrêtera donc pas à cueillir des bouquets en chemin. A Paris, on pense plus qu’on ne rêve; la rêverie, si elle se hasarde dans ce volume, sera donc contenue, jamais flottante, et la pensée toujours maîtresse d’elle-mème. Des contours très accusés, un rythme sûr et une certaine largeur se déroulant à la façon des grands monuments : voilà ce qu’on doit attendre. De plus, la nature, ici, paraîtra dans son charme civilisé comme dans les squares, et ne laissera passer par ces vers que les quelques bouffées urbaines respirées à travers la vie qu’ils poétisent**. » Il y a des provinciales en la Chaussée-d’Àntin, comme il y a des Parisiennes à cent lieues de Paris, et nous ne sommes qu’à trente lieues. Ainsi ces Poésies peuvent sortir de la Chaussée d’Antin et du faubourg Saint-Germain et prendre un billet de coupé pour tout pays où luit un coin de bleu. Elles se feront aimer à Sens aussi bien qu’à Paris, d’autant plus que, depuis l’extrême facilité des communications, les petits chapeaux de velours azuline, l’amour et la pantomime qu’elles chantent ont pu parvenir jusqu’ici. Mieux qu’un livre de Paris ou de Sens, je dirais qu’elles sont le livre du premier printemps. Ronsard, parfumé de roses sauvages, se lit le long des haies où gazouille Avril : le volume d’Em. des Essarts, autour duquel voltige l’odeur des fleurs citadines doit se lire quand vient mars, dans la chambre encore, en rêvant dans le fauteuil d’hiver qu’on a roulé jusqu’à la fenêtre ensoleillée. Nous sommes en mars.

  • Ler Poésies parisiennes, par Emmanuel des Essarts, un vol. in-16, prix : 2 francs. Poulet-Malassis, éd., 97, rue de Richelieu.
    • Le Papillon, 10 janvier 1862.