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Page:Mallarmé - Œuvres complètes, 1951.djvu/457

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I

LE MINUIT


Certainement subsiste une présence de Minuit. L’heure n’a pas disparu par un miroir, ne s’est pas enfouie en tentures, évoquant un ameublement par sa vacante sonorité. Je me rappelle que son or allait feindre en l’absence un joyau nul de rêverie, riche et inutile survivance, sinon que sur la complexité marine et stellaire d’une orfèvrerie se lisait le hasard infini des conjonctions.

Révélateur du minuit, il n’a jamais alors indiqué pareille conjoncture, car voici l’unique heure qu’il ait créée ; et que de l’Infini se séparent et les constellations et la mer, demeurées, en l’extériorité, de réciproques néants, pour en laisser l’essence, à l’heure unie, faire le présent absolu des choses.

Et du Minuit demeure la présence en la vision d’une chambre du temps où le mystérieux ameublement arrête un vague frémissement de pensée, lumineuse brisure du retour de ses ondes et de leur élargissement premier, cependant que s’immobilise (dans une mouvante limite), la place antérieure de la chute de l’heure en un calme narcotique de moi pur longtemps rêvé ; mais dont le temps est résolu en des tentures sur lesquelles s’est arrêté, les complétant de sa splendeur, le frémissement amorti, dans de l’oubli, comme une chevelure languissante, autour du visage éclairé de mystère, aux yeux nuls pareils au miroir de l’hôte, dénué de toute signification que de présence.

C’est le rêve pur d’un Minuit, en soi disparu, et dont la Clarté reconnue, qui seule demeure au sein de son accomplissement plongé dans l’ombre, résume sa stérilité sur la pâleur d’un livre ouvert que présente la table ; page et décor ordinaires de la Nuit, sinon que subsiste encore le silence d’une antique parole proférée par lui, en lequel, revenu, ce Minuit évoque son ombre finie et nulle par ces mots : J’étais l’heure qui doit me rendre pur.