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Page:Mallarmé - Œuvres complètes, 1951.djvu/535

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Je ne l’ai pas connu, mais je l’ai vu, une fois, dans un des repas littéraires, en hâte, groupés à l’issue de la Guerre — le Dîner des Vilains Bonshommes, certes, par antiphrase, en raison du portrait, qu’au convive dédie Verlaine. « L’homme était grand, bien bâti, presque athlétique, un visage parfaitement ovale d’ange en exil, avec des cheveux châtain clair mal en ordre et des yeux d’un bleu pâle inquiétant. » Avec je ne sais quoi fièrement poussé, ou mauvaisement, de fille du peuple, j’ajoute, de son état blanchisseuse, à cause de vastes mains, par la transition du chaud au froid rougies d’engelures. Lesquelles eussent indiqué des métiers plus terribles, appartenant à un garçon. J’appris qu’elles avaient autographié de beaux vers, non publiés : la bouche, au pli boudeur et narquois n’en récita aucun. Comme je descendais des Fleures impassibles Je ne me sentis plus guidé par les baleurs : Des Peaux-rouges criards les avaient pris pour cibles Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs. Plus douce qu'aux enfants la chair des pommes sûres, L'eau verte pénétra ma coque de sapin Et des taches de vins bleus et de vomissures Aie lava, dispersant gouvernail et grappin. J'ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies, Baisers montant aux yeux des mers avec lenteur La circulation des sèves inouïes Et l'éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs. Parfois martyr lassé des pôles et des clones La mer dont le sanglot faisait mon roulis doux Montait vers moi ses fleurs d'ombre aux ventouses jaunes Et je restais ainsi qu'une femme à genoux. J'ai vu des archipels sidéraux ! Et des îles Dont les deux délirants sont ouverts au vogueur : Est-ce en ces nuits sans fond que tu dors et t'exiles A/illion d'oiseaux d'or, ô future Vigueur ?