Page:Mallarmé - Œuvres complètes, 1951.djvu/602

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en prions, à ces hauts cris poussés par le messéant — à cette suprême défense du commun. — Cela ne vous concerne pas. Votre instinct même est proche de la vérité — votre esprit à vous, un guide bien plus sûr, sur les insinuantes hardiesses d’Apollons à talons lourds. Quoi ! vous lèverez-vous à suivre le premier joueur de flûte qui vous mène le long de la Ruelle aux Hardes, un jour dominical, ramasser, pour le porter la semaine, entre la morne défroque des siècles, de quoi vous parer ? et que, sous la gaucherie du travestissement, nous ayons peine à trouver vos vraies délicates personnes ! Oh ! fi ! Est-ce que le monde est donc épuisé ! et faut-il nous en retourner parce que le pitre donne un coup de pouce dans le sens opposé. Se costumer n’est pas s’habiller. Et quiconque met la garde-robe peut ne pas être docteur en goût. Car, de quelle autorité seront-ils ces jolis maîtres ! regardez bien, et qu’ils n’ont rien inventé — rien agencé en vue du charme. A tout hasard, de leurs épaules tombent les vêtements du marchand à la toilette — combinant dans leur personne la diaprure de genres nombreux avec le bariolé placard du cabotin. Placés comme un avertissement et un poteau indicateur du danger, ils montrent l’effet désastreux de l’Art sur les classes moyennes. Pourquoi ces sourcils levés en dépréciation du présent — ce pathos par rapport au passé ? Si l’art est rare aujourd’hui, il n’eut jusque maintenant lieu que par intervalles. C’est faux d’enseigner qu’il y a décadence. Le maître demeure hors de toute relation avec le moment où il se hasarde — un monument de solitude qui induit à la tristesse, n’ayant pas de part aux progrès des hommes ses semblables. Il n’est, aussi, pas plus le produit de la civilisation, que ne dépend la vérité scientifique affirmée de la sagesse d’une époque. Cette affirmation requiert l’homme pour la faire. La vérité fut dès le commencement. Ainsi l’art se limite à l’infini, et y commençant ne peut progresser.