Aller au contenu

Page:Mallarmé - Œuvres complètes, 1951.djvu/693

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Je passe aux bronzes proprement dits, à savoir : ces personnages muets, qui ont pour rôle de résumer toute l’aspiration vers le « grand art » des vivants dont les regards s’éprennent d’inutiles statues, tandis que leurs mains consentent au contact quotidien d’objets hideux ou dénués du charme intime que pourraient revêtir les emblèmes de notre vie. Non, vraiment, nous ne parlerions pas de telles œuvres, souvent admirables, hélas ! si MM. Marnyhac n’étaient arrivés à renouveler miraculeusement un art démodé, à la faveur du mélange le plus exquis des métaux, qui permet de conserver par exemple, à ces esclaves nubiens ou maures que voici, une portion de leur parure exotique, éclat de cuivre, monotonie d’argenture. Nous espérons cependant que ces brillantes tentatives s’appliqueront à des figures purement décoratives, et, pour revenir à notre monographie des lampes, hasardons, retenus par les limites autorisées de notre étude présente, un regard d’entière satisfaction vers ces deux femmes fellahs, de grandeur naturelle, placées par M. Cordier sur l’escalier qui mène à la galerie de la Peinture. Ce sont de parfaits exemples. Je ne dis rien du beau geste oriental avec lequel elles portent leur cruche remplie à une fontaine : mais indépendamment même de leur costume mêlant à la fantaisie de métaux differents, les plis souples d’une pierre presque transparente, que des rayures jaunes traversent irrégulièrement, à la façon, de poils grossiers de chameaux, quelle ingéniosité et quel parfait sentiment de la décoration dans l’adaptation au luminaire de ces vases devenus lampes ! Ces véritables serviteurs de notre intérieur, et non ses fétiches esthétiques comme l’ont été trop souvent les figures sculptées, nous les retrouvons sur presque toutes les estrades remarquables, et notamment chez M. Derrière, sous l’apparence d’un couple superbe de nègres de bronze foncé, porteurs de candélabres en cuivre poli, métal où se découpe et se frange leur costume des îles. C’est, du reste, la merveilleuse garniture de la belle horloge Louis XIII, dont nous avons parlé précédemment. Je sais que je contriste, par un blasphème adressé à leur seule présence déplacée dans un appartement, un grand fabricant du boulevard, qui a acquis avec la