Page:Mallarmé - Œuvres complètes, 1951.djvu/701

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présence en ces lieux. Est-ce comme meuble, est-ce comme instrument de musique, qu’il est exposé ? Le meuble se montre simple et de goût parfait : mais l’instrument est, incontestablement, supérieur. Cependant, ceci encore, ne suffirait pas; il n’est personne entre les personnes qu’intéresse un piano long à queue qui ne connaisse et reconnaisse l’excellence de la marque illustre. Soyons indiscrets ! Une virtuose remarquable des concerts de l’Exposition s’arrête, et, penchée sur une voisine, chuchote ces mots, que je traduis parfois au vol : « Cordes croisées — invention américaine -— perfectionnement apporté par Pleyel-Wolf. Plus d’étendue (je crois, dans les cordes) et sonorité magnifique et approfondie. — Enfin, ce piano, pareil à celui dont se sert habituellement la cantatrice, appartient au représentant à Londres de la manufacture de Paris. » Qu’on me pardonne ces détails espacés. J’ai la certitude que je retrouverai ce piano, l’an prochain, dans le concours spécial des instruments de musique, et je disserterai cette fois, de moi-même et à loisir. Des concerts, que je n’ai pas le temps d’aller entendre, ne passons pas au salon de peinture et de sculpture, que je n’ai pas mission d’aller voir, en critique, du moins. Cependant, j’aimerais à parler d’une collection unique de tableaux, admirablement disposés sous les yeux, de M. Ernest Fillonneau, attaché à la Commission française. Elle est non seulement le Salon différé de l’année 1870, mais une galerie où, pensée charmante de l’Angleterre, croyant à l’impossibilité de notre envoi, se sont donné rendez-vous, hors de ses châteaux et de ses résidences impénétrables, nombre de toiles célèbres et déjà invisibles des trente dernières années. Toutefois, Monsieur le Rédacteur en chef, je pense que le lecteur nous saura gré d’avoir été presque complets dans notre programme restreint. Nous songeâmes simplement, il nous en souvient, à noter parfois, en les évoquant sous le regard de chacun, les transformations heureuses ou les hésitations de cet insaisissable esprit qui préside à la fabrication du décor familier de notre existence quotidienne. L.-S. Price.