Page:Mallarmé - Œuvres complètes, 1951.djvu/907

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LES MOTS ANGLAIS Dans la longue lettre de .Mallarmé à Verlaine, que l'on appelle Autobiographie, se trouvent ces lignes : « J’ai dû faire, dans des moments de gêne ou pour acheter de ruineux canots, des besognes propres et voilà tout (Dieux antiques, Mots anglais) dont il sied de ne pas parler : mais à part cela les concessions aux nécessités comme aux plaisirs n'ont pas été fréquentes. » Nous n’avons pas cru devoir obéir à la recommandation d’un auteur qui est au premier rang de ceux dont on ne saurait négliger, sans y perdre, la moindre page. Il a écrit avec une constante originalité ; mais presque autant qu’agréable, on trouvera instructif de le voir descendre de ses grands problèmes vers d'humbles sujets et se montrer, dans l’extrême clarté des démonstrations, aussi raffiné de ton et savant en tours que dans les pudeurs et les hardiesses de ses énigmes. Quelques-unes de ses idées, de ses intentions les plus chères et quelques-uns de ses hauts soucis se révèlent, en ces livres modestes, avec un si charmant dépouillement que l’on croit entendre tout à tour le professeur, le poète, « le philologue inspiré », et l’esthéticien d’extraordinaire séduction. C’est aussi, grâce à d'exquis abandons, comme si un artiste consentait à regarder sous nos yeux sa boite d’instruments, à préparer sa palette en toute familiarité ou comme si un grand savant entr ouvrait, avec modestie, son clair laboratoire. S’il s’agit du « plus difficile des délicats » et d’un inventeur génial auquel les mots devront un éclat « neuf... et comme incantatoire », // est passionnant de le voir chercher entre les vocables, les syllabes, les consonnes, des rapports jusqu’à lui inconnus. Henri Mondor.