Page:Mallarmé - Œuvres complètes, 1951.djvu/937

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

traversé l’Océan; et il refleurit sur le nouveau continent, aux mêmes conditions toujours, soit qu’il s’y adapte à la pensée d’un Poe ou d’un Whitman : nulle tentative sérieuse, au loin non plus, de secouer une origine indéniable, mais quelque propension là à effacer dans l’orthographe, la trace française, pour ne laisser en face l’une de l’autre que l’influence anglo-saxonne et l’influence grecque et latine. A quoi bon contredire des annales certaines! Annoncé dans les Préliminaires, le troisième cas de formation linguistique, ni artificiel, ni naturel absolument, vous l’avez vu : celui d’une langue quasi faite versée dans une langue presque faite, un mélange parfait s’opérant entre les deux. Quelle différence avec les lentes dégradations subies par un seul idiome dont le rameau donne pendant les siècles deux fruits, par exemple ceux-ci, le Latin et le Français; non moindre, cependant, qu’avec l’opération factice qui, chez nous, a mûri aux fourneaux d’une alchimie savante des vocables tout entiers évoqués : rien de tel. La greffe seule peut offrir une image qui représente le phénomène nouveau; oui, du Français s’est enté sur de l’Anglais : et les deux plantes ont, toute hésitation passée, produit sur une même tige une fraternelle et magnifique végétation. Que ce fait se manifeste toujours mais à un degré différent, soit : et le Grec a mêlé de ses mots au Latin; et d’un parler germanique, nous-mêmes, puis de l’Espagnol et de l’Italien en grand nombre, avons reçu maint vocable à peine distinct aujourd’hui du fond de notre langue. Dans chacun de ces cas il n’y a eu qu’accident; au lieu que pas d’Anglais sans Français, Philologues demandez-le aux Littérateurs; ce caractère, nouveau dans les annales du Langage et particulier à un idiome il en sera tenu compte quand viendra l’instant de juger l’Anglais, c’est-à-dire, les trois Livres de la présente Philologie épuisés, dans la Conclusion, à laquelle se rattache par ce trait l’introduction.