Page:Mallarmé - Divagations.djvu/127

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par cette aile lyrique, se haussera au degré convenable une esquisse.

S’il y a lieu que je parle personnellement, après tant de constatations ou ce reportage dignifié par le sujet, j’émets un avis. Tout ce que la culture littéraire portée à l’état supérieur, ou d’art, avec originalité, goût, certitude, en même temps qu’un primordial don poétique délicieux, peut, en s’amalgamant très bellement, produire chez un élu, Tennyson le posséda, du coup et sans jamais s’en départir à travers l’inquiète variété : cela n’est pas commun ; ou qu’exige-t-on d’autre, sauf des insolites dieux, au raccourci péremptoire, s’abattant, quelques-uns, dans les âges ? Avoir doté la voix d’intonations point ouïes jusqu’à soi (faute de Tennyson, une musique qui lui est propre manquerait à l’Anglais, certes, comme je le chante) et fait rendre à l’instrument national tels accords neufs mais reconnus innés, constitue le poëte, dans l’extension de sa tâche ou de son prestige. L’homme, qui a résumé tant d’exception, vient de mourir, et je pense qu’un considérable deuil flotte à la colonnade suave du temple de Poésie, édifice à l’écart. Que son ombre y soit reçue avec les termes mêmes de l’hyperbole affectueuse qu’au temps de jeunesse, à lui illustre mais encore futur, dédia l’enthousiasme de Poe : « l’âme poétique la plus noble, qui jamais vécut. »