maintenant un peintre capable d’en donner une
ombre triste. J’apporte, vivante (et préservée à
travers les ans par la science souveraine) une
Femme d’autrefois. Quelque folie, originelle et
naïve, une extase d’or, je ne sais quoi ! par elle
nommé sa chevelure, se ploie avec la grâce des
étoffes autour d’un visage qu’éclaire la nudité
sanglante de ses lèvres. À la place du vêtement
vain, elle a un corps ; et les yeux, semblables aux
pierres rares ! ne valent pas ce regard qui sort de
sa chair heureuse : des seins levés comme s’ils
étaient pleins d’un lait éternel, la pointe vers le
ciel, aux jambes lisses qui gardent le sel de la mer
première. » Se rappelant leurs pauvres épouses,
chauves, morbides et pleines d’horreur, les maris
se pressent : elles aussi par curiosité, mélancoliques,
veulent voir.
Quand tous auront contemplé la noble créature, vestige de quelque époque déjà maudite, les uns indifférents, car ils n’auront pas eu la force de comprendre, mais d’autres navrés et la paupière humide de larmes résignées se regarderont ; tandis que les poëtes de ces temps, sentant se rallumer leurs yeux éteints, s’achemineront vers leur lampe, le cerveau ivre un instant d’une gloire confuse, hantés du Rythme et dans l’oubli d’exister à une époque qui survit à la beauté.