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Matin




Morne et silencieux enfin, il dort aux plis
Du linceul noir et qu’alourdissent les années ;
Le vent qui défeuilla les guirlandes fanées
Empêche d’écouter les hymnes affaiblis.

Quel printemps, parfumé des parfums abolis,
Pourrait refleurir les forêts découronnées ?
Le pur soleil des victorieuses journées
S’est à jamais éteint dans les couchants pâlis.

Nul sanglot de lyre n’éveillera sa gloire,
Et seul, la nuit, un souffle obscur et sans mémoire
Frôlera le deuil anonyme du tombeau.

Et la vieille voix qui clamait l’oubli s’est tue ;
Et le jeune matin, étincelant et beau,
Illumine au fronton du temple la Statue.


A.-Ferdinand Herold