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Page:Mallarmé - Les Dieux antiques.djvu/299

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poètes homériques travaillèrent, avec un succès merveilleux, sur ces matériaux, qui formeront aussi le cadre des grands poèmes d’autres contrées : ce fait se prouve par les coïncidences étonnantes des mêmes incidents, aussi bien que des noms et des caractères existant entre l’Iliade et l’Odyssée, le Chant des Nibelungen et l’Epopée perse de Firdusi. Qu’il y ait des faits réels mêlés à des contes de Pâris et d’Hélène, d’Achille et d’Odyssée, rien ne peut contredire à cette façon de penser. Nous savons que la plupart des incidents qui appartiennent à ces histoires n’ont jamais pu avoir lieu : nous savons qu’Aphrodite et Athéné ne se sont jamais mêlées à des combats entre les mortels, et que l’armure d’aucun chef achéen n’a jamais été forgée sur l’enclume d’Héphaïstos. Mais on peut (dira quelqu’un) écarter tous les événements merveilleux de l’histoire, et entreprendre de narrer une guerre sans Thétis et Hélène, ou Sarpédon et Memnon, ou Xanthos et Balios ? Soit. Vous aurez alors (comme dans la préface de Thucydide) le récit de quelque chose qui peut avoir eu lieu, mais qu’aucune garantie ne me permet d’envisager comme un fait historique. Les noms et les incidents du mythe appartiennent au beau pays des nuages, où Ilion, comme une vapeur, s’élevait avec ses tours ; et c’est peine perdue de chercher en Europe et en Asie, la Phénicie, Ortygie, la Lycie, la Phéacie, Délos, la Trinacie, l’Arcadie et l’Ethiopie où voyage Hélios dans l’orage et le calme, dans la splendeur et l’assombrissement, le long des mers bleues du ciel.