Page:Mallarmé - Notes sur le théâtre.djvu/18

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Naïf ! en vain m’obstiné-je, réfléchissant à l’évolution des arts connexes de l’esprit comme pour faire ici place… Le roman, je ne sais le considérer au pouvoir des maîtres ayant apporté à ce genre un changement si beau (quand il s’agissait naguère d’en fixer l’esthétique), sans admirer qu’à lui seul il débarrasse l’art, d’abord sur la scène, de l’intrusion du moderne personnage, désastreux et nul comme se gardant d’agir plus que de tout.

Quoi ! le parfait écrit récuse jusqu’à la moindre allusion une aventure, pour se complaire dans sa délicate évocation, sur le tain de souvenirs, comme l’est cette extraordinaire Chérie[1], d’une figure, à la fois éternel fantôme et la vie ! c’est qu’il ne se passe rien d’immédiat et d’en dehors dans un présent qui joue l’effacé pour couvrir de plus étranges dessous. Si notre extérieure agitation choque, en l’écran de feuillets imprimés, à plus forte raison sur les planches, matérialité dressée dans son obstruction gratuite. Oui, le livre ou cette monographie qu’il devient d’un type (superposition de pages, comme un coffret, défendant contre le brutal espace une délicatesse reployée infinie et intime de l’être dans soi-même,) ici suffit : avec maints procédés si neufs analogues en raréfaction à ce qu’a de latent ou de diffus la vie. Par une mentale opération et point d’autre, lecteur je m’adonne à abstraire telle physionomie, sans ce déplaisir d’un visage exact penché, hors de la rampe, sur ma source de rêverie. Les traits réduits à des mots, un maintien le cédant à quelque identique disposition de phrase, tout cet idéal résultat atteint pour ma noble délectation, s’effarouche de la réalité même de Mlle Cerny, qu’il faut aller voir en tant que public, à l’Odéon, si l’on n’aime rouvrir, comme

  1. Par Edmond de Goncourt, Paris, 1884.