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ARTHUR RIMBAUD


À Monsieur Harrison Rhodes.


J’imagine qu’une de ces soirées du Mardi, trop rares, où vous me fites l’honneur d’ouïr, chez moi, quelques amis converser, le nom soudainement d’Arthur Rimbaud se soit bercé à la fumée de plusieurs cigarettes, installant, pour votre curiosité, du vague.

Quel, le personnage, questionnez vous : du moins, avec des livres Une Soirée en Enfer, Illuminations et ses Poèmes, naguères publiés en l’ensemble, exerce-t-il sur les evènements poètiques recents une influence si particulière que, cette allusion à lui faite, par exemple, on se taise, enigmatiquement et réfléchisse, comme si beaucoup de silence, à la fois, et de rêverie s’imposait ou d’admiration inachevée.

Doutez, mon cher hôte, que les principaux innovateurs, maintenant, voire un seul, à l’exception, peut-être, mysterieusement, du magnifique ainé, qui leva l’archet, Verlaine, aient à quelque profondeur et par un trait direct, subi Arthur Rimbaud. Ni la liberté allouée au vers ou, mieux, jaillie telle par miracle, ne se réclamera de qui fut, à part le balbutiement de tous derniers poèmes ou quand il cessa, un strict observateur du jeu ancien. Estimez son plus magique effet produit par opposition d’un monde antérieur au Parnasse, même au Romantisme, au très classique, avec le désordre somptueux d’une passion on ne saurait dire rien que spirituellement exotique. Éclat, lui, d’un météore, apparu sans motif autre que sa présence ; issu seul et s’éteignant. Tout, certes, aurait existé, depuis, sans ce passant considérable, comme aucune circonstance littéraire vraiment n’y prépara : le cas personnel demeure, avec force.

Mes Souvenirs : plutot ma pensée, souvent, à ce Quelqu’un, voici : comme peut faire une causerie, en votre honneur immédiate.