Page:Mallarmé - Un coup de dés, 1914.djvu/9

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orale et la portée, moyenne, en haut, en bas de page, notera que monte ou descend l’intonation. Seules certaines directions très hardies [1], des empiètements, etc., formant le contre-point de cette prosodie, demeurent dans une œuvre, qui manque de précédents, à l’état élémentaire : non que j’estime l’opportunité d’essais timides ; mais il ne m’appartient pas, hormis une pagination spéciale ou de volume à moi, dans un Périodique, même valeureux, gracieux et invitant qu’il se montre aux belles libertés, d’agir par trop contrairement à l’usage. J’aurai, toutefois, indiqué du Poème ci-joint, mieux que l’esquisse, un “état” qui ne rompe pas de tous points avec la tradition ; poussé sa présentation en maint sens aussi avant qu’elle n’offusque personne : suffisamment, pour ouvrir des yeux. Aujourd’hui ou sans présumer de l’avenir qui sortira d’ici, rien ou presque un art, reconnaissons aisément que la tentative participe, avec imprévu, de poursuites particulières et chères à notre temps, le vers libre et le poème en prose. Leur réunion s’accomplit sous une influence, je sais, étrangère, celle de la Musique entendue au concert ; on en retrouve plusieurs moyens m’ayant semblé appartenir aux Lettres, je les reprends. Le genre, que c’en devienne un comme la symphonie, peu à peu, à côté du chant personnel, laisse intact l’antique vers, auquel je garde un culte et attribue l’empire de la passion et des rêveries ; tandis que ce serait le cas de traiter, de préférence (ainsi qu’il suit) tels sujets d’imagination pure et complexe ou intellect : que ne reste aucune raison d’exclure de la Poésie — unique source.

  1. La partie comprise entre les mots “Seules certaines directions…” et “…suffisamment pour ouvrir des yeux” concernait plus spécialement l’édition de ce Poème donnée dans la revue Cosmopolis (mai 1897) pour laquelle cette Préface avait été faite. Celle-ci, du reste, nous a paru d’un intérêt assez général, et assez significative de la pensée de l’auteur pour être reproduite ici, en tête de l’édition définitive, préparée par ses soins, telle qu’elle allait paraître au moment où la mort le surprit. L’innovation principale établie par lui dans ce dernier “état” de son œuvre, pour reprendre le terme dont il se servit, nous semble consister en ceci qu’il n’existe pas de page recto ou verso, mais que la lecture se fait sur les deux pages à la fois, en tenant compte simplement de la descente ordinaire des lignes.
    (Note de l’Éditeur).