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Comme fit à la cour de Philippe, Vélasquez, dont les infantes bouffant de jupes inesthétiques, sont, en tant qu’œuvres d’art, de même qualité que les marbres d’Elgine.

Ces grands hommes n’étaient pas des réformateurs — ni soucieux de porter un perfectionnement à l’état d’autrui ! Pas d’autre préoccupation chez eux que leurs produits, et, pleins de la poésie de leur savoir, ils ne souhaitaient pas de modifier leur milieu — car, forts de la révélation des lois de leur Art, ils virent dans le développement de leur œuvre cette beauté réelle qui, pour eux, était matière de certitude et de triomphe autant que, pour l’astronome, l’est la vérification d’un résultat prévu selon la lumière qui n’est qu’à lui. Ce faisant, leur monde était complètement séparé d’aucun de ceux de leurs semblables confondant le sentiment et la poésie, et pour qui il n’est pas d’œuvre parfaite que n’explique un avantage à soi conféré.

L’Humanité prend la place de l’Art, et les créations de Dieu s’excusent par l’utile. La Beauté se confond avec la vertu, et, devant une œuvre d’art, on demande : — « Quel bien cela fera-t-il ? » —

Il suit de là que la noblesse de l’action, dans cette vie, se lie désespérément au mérite de l’œuvre qui la dépeint ; et qu’ainsi les gens ont acquis une habitude de regarder, comme qui dirait, non une peinture, mais, au travers, quelque fait humain qui doit ou ne doit pas, à un point de vue social, améliorer leur état mental ou moral. Aussi nous en sommes venus à entendre parler d’une peinture qui élève, et du devoir du peintre — de telle peinture qui est pleine de pensée ; et de tel panneau, purement décoratif.