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EFFETS DE LA VANITÉ BLESSÉE

autorité supérieure ! Comment aurait-on pu croire que ce vaillant et énergique capitaine qui avait « conquis l’impossible » dans les îles, qui y avait créé des vaisseaux et des marins, des soldats et des canons, qui avait navigué d’un bout à l’autre de l’Océan avec des équipages sans pareils, et qui avait rencontré et défait les vaisseaux de guerre de l’ennemi, que cet homme, dont la devise était « action » aurait soudainement changé au point de se faire adresser un ordre d’agir conçu dans les termes que nous venons de lire. Et cependant, nous avons vu de notre temps, combien la vanité blessée peut obscurcir un jugement droit, faire oublier même les plus simples devoirs de la politesse et ouvrir l’oreille aux malignes suggestions des calomniateurs et des sycophantes, chez des hommes qui, en toute autre circonstance, se sont montrés supérieurs. Jusqu’à l’envoi de cette lettre, Dupleix et le Conseil avaient accueilli, de la manière la plus obligeante, les demandes de La Bourdonnais ; ils lui avaient cédé les officiers qu’il avait préférés, au nombre desquels était Paradis ; ils lui avaient accordé toutes les provisions, les munitions et même, ainsi que nous l’avons vu, tous les canons dont ils pouvaient se passer. Seulement ils le pressaient d’agir. Mais La Bourdonnais habitué à imposer sa volonté à ceux qui rentouraient, ne put se voir placé sous l’autorité du Conseil et du Gouverneur sans une révolte intérieure qui faisait bouillonner son sang et altérait son caractère. Le refrain de ses lettres était : « qu’il ne pouvait attaquer Madras, parce que l’escadre anglaise n’était pas détruite ; qu’elle ne l’était pas parce qu’il ne pouvait l’amener à combattre, et quil ne resterait pas sur la côte passé le 15 octobre. » Le sens réel était : qu’il ne voulait rien faire jusque-là. La lettre du Conseil supérieur elle-même ne réussit pas à l’émouvoir. Malgré la clarté de ses termes : qu’il devait attaquer, soit Madras, soit la flotte anglaise, il eut la hardiesse de déclarer que son contenu Tempêchait d’agir parce qu’elle ne précisait pas lequel des deux plans il devait adopter. La lettre en main, il disait à tout venant que le Conseil supérieur était le seul obstacle qui l’arrêtât. Cette conduite exaspéra Dupleix qui, le 27, convoqua de nouveau le Conseil, et soumit à son approbation la marche suivie par l’Amiral.

Les délibérations du Conseil dans cette crise furent courtes, ra-