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POLITIQUE DE DUPLEIX

Personne ne doute qu’à cette époque, le principal but de la politique de Dupleix ne fût l’expulsion des Anglais de la côte de Coromandel. L’expérience des trois dernières années lui avait appris que la sécurité d’une des puissances europénnes ne pouvait être assurée que par la disparition de l’autre. Il avait dû faire appel à toute son énergie et tirer parti de toutes ses ressources pour préserver Pondichéry des dangers qui l’avaient menacé en 1744. Sans la défense du nabab Anwaroudin, les établissements auraient assurément été détruits, mais cet appui était un roseau sur lequel il n’était pas prudent de toujours compter. Le successeur d’Anwaroudin pouvait n’être pas animé des mêmes sentiments ; une autre incursion des Mahrattes pouvait anéantir la puissance du représentant du Mogol, ou encore, l’anarchie pouvait prévaloir, comme cela avait été le cas récemment dans le Carnate. Quant au ministère français ou aux Directeurs de la Compagnie, les événements des dernières années avaient pleinement convaincu Dupleix qu’il ne devait pas compter sur eux. Tout en prévoyant. depuis trois ans, des hostilités inévitables, les hommes qui, de Paris, gouvernaient l’Inde avaient littéralement réduit à la famine leur plus importante colonie. Ils ne lui avaient envoyé ni vaisseaux de guerre, ni argent ; pas même de bonnes nouvelles. En proie à l’hésitation et à la crainte, ils avaient, en deux ans, expédié deux navires seulement et avec des secours très-insuffisants ; qui plus est, quand un Gouverneur entreprenant avait proposé un plan au moyen duquel on aurait pu, avec fort peu de risques, assurer l’ascendant de la France en Orient, et qu’il avait arraché le consentement d’un vieux ministre décrépit, on avait saisi la première occasion d’anéantir ce projet, et privé le Gouverneur des moyens dont il espérait faire usage pour l’exécuter.

Dupleix avait donc peu d’espoir en la France ; d’un autre côté, il voyait l’Angleterre, impatiente de le détruire, l’Angleterre forte de l’énergie de ses fils, des ressources de sa Compagnie des Indes, et, de plus, de son gouvernement qui pouvait passer pour bon, comparativement à celui de la France ; il avait vu que, dans cette même année, l’Angleterre ayant agi comme La Bourdonnais avait proposé de le faire, en avait recueilli les meilleurs résultats ; et il