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LA BOURDONNAIS ET DUPLEIX

des îles avec lui, et, après une courte délibération, il en communiqua le résultat aux députés de Pondichéry. C’était qu’ils ne jugeaient pas qu’il dût revenir sur la parole qu’il avait donnée aux Anglais. Là-dessus les députés se retirèrent[1]. La Bourdonnais, ayant ainsi repoussé les demandes légalement formulées par les députés de Pondichéry, s’occupa sans délai de leur enlever tout moyen de les faire exécuter par la force. Répandant le bruit que la flotte anglaise avait été vue devant Paliacate, il publia un ordre général d’envoyer cinquante hommes à bord de chaque navire, et donna de secrètes instructions à ses subalternes dévoués, pour qu’ils assignassent ce service aux troupes du contingent de Pondichéry. Cette mesure fut exécutée le 4 octobre au matin, de sorte que l’amiral se trouva à la tête de troupes qui lui étaient entièrement dévouées et maître absolu de ses mouvements.

Les membres du Conseil provincial n’en essayèrent pas moins d’établir légalement leur autorité ; ayant découvert dans la journée la ruse qu’il avait employée si adroitement, du moins pour ses propre intérêts, ils résolurent de le placer sous une contrainte morale. Dans ce but, le général de Bury, MM. Latour et Largé, se présentèrent au quartier-général et remirent à l’Amiral un document écrit, lui défendant de quitter Madras sans un ordre exprès de Dupleix. Mais le temps où La Bourdonnais se croyait obligé de dissimuler son ressentiment était passé ; il s’était débarrassé des troupes de Pondichéry, et il était déterminé à user avec la plus grande rigueur de son autorité usurpée. Il mit immédiatement les députés en état d’arrestation, et quand Paradis, informé de cette indignité, se hâta de lui adresser ses remontrances, il l’accusa d’être un intrigant qui les avait tous mis à deux doigts de leur perte, l’envoya rejoindre ses collègues et déclara qu’il les laisserait prisonniers des Anglais au 15 octobre, jour où il avait projeté de remettre Madras aux ennemis.

Nous n’essayerons pas de dépeindre les sentiments de Dupleix,

  1. Il existe deux récits de cette entrevue ; l’un est un procès-verbal rédigé sur-le-champ par D’Espremesnil et ses collègues, l’autre est une narration écrite trois ans plus tard par La Bourdonnais, Ce dernier document abonde en accusations personnelles que nous nous abstenons de rapporter.