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PREMIÈRE LUTTE DANS LE CARNATE

c’était, nous l’avons dit, un principe politique d’éviter jusqu’à l’apparence même d’hostilités à l’égard des indigènes. Nous avons vu que les efforts de Martin, de Dumas et de Dupleix, avaient toujours tendu vers ce but ; ce dernier n’avait jamais conçu l’espoir de vaincre le nabab sur le champ de bataille ; son but avait plutôt été de l’apaiser pendant la durée du siège, et voilà qu’il apprend qu’une victoire aussi prompte qu’inespérée venait de le placer dans la situation la plus avantageuse : en effet, à la suite de cette action, les Français se trouvaient supérieurs au nabab de Carnate, eux, naguère ses vassaux, dont les moindres mouvements dépendaient de son bon plaisir. Par l’affaire de Saint-Thomé, les positions du nabab et du gouvernement se trouvaient désormais interverties ; elle inaugurait un nouvel ordre de choses, et était réellement le point de départ de la conquête de l’Indoustan, par une puissance européenne. Serait-ce l’Angleterre ou la France ? cela dépendait des forces respectives des deux nations, et surtout du caractère des hommes auxquels serait confié l’empire de leurs forces. La bataille qui produisit un si grand changement, mérite qu’on s’en souvienne, mais, en nous la rappelant, nous ne devons pas oublier, nous, Anglais, de noter que tout le mérite en appartient uniquement et entièrement à cette grande nation à laquelle nous disputâmes plus tard la suprématie dans l’Inde, et qui ne remporta pas la dernière victoire. L’avantage gagné par les Français à Saint-Thomé, procura à Dupleix les moyens d’aplanir tous les obstacles qui l’entouraient. Il se trouva en état d’exécuter les plans qu’il avait formés au temps de la conquête de Madras par La Bourdonnais. En lui déclarant la guerre, en assiégeant Madras, en s’efforçant d’intercepter et de détruire sa petite armée, le nabab avait mis à néant l’engagement qu’il avait pris de lui livrer sa conquête. Cette difficulté se trouvait donc heureusement aplanie. Celle que lui avait léguée La Bourdonnais, la restitution de Madras, n’était plus un obstacle. Il n’avait jamais ratifié les engagements que ce dernier avait pris sans y être autorisé ; pour lui, ils n’avaient jamais existé. Madras, il le savait bien, se serait rendu le jour même, ou tout au plus le lendemain, s’il n’eût pas été question d’une rançon, car la place ne pouvait tenir plus longtemps. Il la regarda donc comme sa